Retour au pays 80 ans après

Fils d’un mineur, originaire de Kršan, un village situé dans le comitat d’Istrie, en Croatie, Jean Vidalic, né en 1933 à Lembach, est revenu dans son village natal 80 ans après son départ.

Entre les deux guerres mondiales, la Croatie, partie de l’empire Austro-hongrois, était sous domination italienne et de nombreux italiens ont rejoint la France pour participer à la construction de la Ligne Maginot. Mate Vidalic, le père, mineur de profession, était venu en Moselle en 1928 pour participer à cet immense chantier de fortification. Par la suite, son épouse et leurs quatre enfants l’on rejoint en passant par la Suisse. Le couple se déplacera en fonction de l’avancée des chantiers. Les premiers ouvriers sur place, et à repartir étaient les mineurs chargés de creuser les galeries, passant le relais aux aménageurs. La famille s’agrandira encore de 4 autres enfants, dont Jean né le 18 février 1933 à Lembach, où elle séjournera de 1931 à 1934. Elle rejoindra la Haute-Normandie pour la construction d’abris anti-aériens à Rouen et s’installera définitivement dans la banlieue de cette ville, à Petit-Couronne.

Jean Vidalic, après quelques années comme marin dans la Marine Marchande, entrera dans les Ponts et chaussées maritimes et travaillera jusqu’à sa retraite pour le port de Rouen. Il effectuera son service militaire de 1953 à 1955 à Haguenau, au 7e Dragon mais n’aura jamais l’occasion de venir jusqu’à Lembach. Et pourtant, à la maison ses parents parlaient de ce Lembach, de Haguenau et de Wissembourg, dont ils ne gardaient que de bons souvenirs, la pratique d’un patois croate proche de l’alsacien, de l’allemand et du polonais, ayant certainement facilité la communication. Jean raconta aussi ses souvenirs d’avant guerre et l’intégration de sa famille à Petit-Couronne : « Bien que mon père travaillait pour la défense nationale, que nous parlions parfaitement le français, nous étions toujours considérés comme des étrangers. Le pire était lors de la distribution de masques à gaz à l’école en 1939. On avait déjà eut du mal à trouver et à adapter un masque à ma petite tête quand on se rendit compte que je n’étais pas français : on me le reprit simplement. Alors que tous mes camarades de classe se promenaient fièrement avec leur masque accroché à la ceinture, j’étais le seul a ne pas en avoir, une différence qu’un enfant ne peut comprendre mais qui le marque ! »

Veuf depuis peu, l’alerte octogénaire a décidé de venir dans son village natal. C’est sa fille Valérie qui a organisé le voyage et l’a accompagné pour un séjour d’une semaine, du 22 au 28 juin, dans le gîte d’Emile et de Bernadette à Lembach. Naturellement, le duo, dès son arrivée, pousse la porte du Syndicat d’Initiative (SILE) et c’est là que la machine de recherches s’enclenche. Sandrine Sehmer le met en relation avec la mairie où Anne Blum retrouve l’acte de naissance avant de mener avec le maire Charles Schlosser, la recherche de la maison n° 149. Entre-temps, la numérotation a changé, les rues et ruelles ont pris des noms. C’est donc via l’état civil, les personnes nées à la même époque, le cadastre et le nom des propriétaires, par déduction et élimination, que la mairie retrouve cette maison natale dans le Flecken, aujourd’hui, le 8 rue de Mattstall.

Vendredi 26 juin, en fin de matinée, la mairie avait organisé une petite réception avant d’amener Jean Vidalic devant sa maison natale où il put saluer l’occupante actuelle, une dame nonagénaire, un peu surprise de cette visite insolite. Le maire avait également associé à l’évènement, Anne l’employée de la mairie, les présidents du SILE, Claude Gaubert, des Amis de la Ligne Maginot, Joseph Haensli. Emu, l’octogénaire revenu dans son village natal 80 ans après, ne tarit pas en remerciements : « Jamais, je n’aurais songé à un accueil aussi chaleureux, mes parents m’avaient parlé de ces gens formidables de Lembach, qui voulaient même retenir ma famille en 1934. J’ai découvert cette région d’Alsace du Nord, nous sommes allés de surprise en surprise avec le Fleckenstein, Wissembourg, les villages fleuris, mais un peu déçus par le Quartier Thurot à Haguenau. J’ai reconnu les bâtiments en briques,  ceux du moins qui restent. Mes remerciements du fond du cœur, vont à « ces gens formidables », nos gîteurs, Anne avec ses recherches, Sandrine qui nous a conseillé les visites – au Four à Chaux, nous n’avons même pas eu à nous annoncer, nous étions attendus- Bernard qui nous a guidés dans l’ouvrage comme s’il était né avec … »  et au maire Charles Schlosser « En une semaine nous nous sommes fait plein d’amis, et il y a encore quantité de choses à voir : nous reviendrons dès que possible ! »

Hub K

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Anne Blum, Jean Vidalic, Charles Schlosser, Valérie Vidalic, Claude Gaubert et Joseph Haensli
devant la maison natale de Jean à Lembach