Un Hongkongais de passage à Lembach

Ce mercredi 7 avril, Catherine prend son service de nettoyage de la mairie comme d’habitude, à 6h. Il fait encore nuit. Son regard est attiré par un vélo posé contre le banc sous le balcon. Sur le banc, un grand sac de couchage. Dans le sac presque complètement fermé, une silhouette humaine qui l’intrigue. Mais le service l’appelle.

Le jour se lève, la température est inférieure à 0°. Catherine n’est pas tranquille. La silhouette ne bouge pas. Catherine s’inquiète. Nos trois secrétaires arrivent et la rassurent. L’heure tourne, le maire arrive et sous forme de boutade, propose de prélever au moins la taxe de séjour pour une nuitée sur le banc communal. Au réveil du touriste, évidemment.

10h : le soleil commence à réchauffer la place. Le sac de couchage ne bouge toujours pas. Cette fois-ci, Catherine se rapproche encore un peu plus du banc. Notre touriste se réveille, sort de son sac, se lève et frotte le dernier sommeil de ses yeux. Catherine lui tend un Weckele, lui parle en français, puis en allemand. Son silence la rassure pourtant : le Weckele bienvenu, englouti avec appétit, parle à sa place.

hong_kong

Notre homme – 35 ans – vient de Hong Kong. Il a enfourché son vélo hyper-chargé d’Afrique du Sud il y a 8 mois. Il a traversé toute l’Afrique, pédalé parfois très vite lorsque les lions de Tanzanie rôdaient. Sa feuille de route : une simple feuille mentionnant en chinois et en anglais les noms des pays traversés et des bouts de pages d’un cahier sur lequel sont écrits au crayon les noms des villes traversées. Pour rejoindre l’Europe, il pensait passer par la Russie et l’Ukraine qu’il a évitées – les balles des hommes sont plus dangereuses que les griffes des lions. Il a donc choisi la Turquie puis la Grèce, la Macédoine, la Hongrie, l’Autriche, l’Allemagne. L’étape nocturne de Lembach est une des dernières avant de rejoindre par Metz et Letzebuerg (sic) Bruxelles/Bruessel où il a rendez-vous avec son oncle qui sans doute l’hébergera un temps, lui permettra de manger autre chose que les petits pains et la confiture tirés de sa sacoche et lui prêtera l’argent qui lui manque depuis que son porte feuille lui a été volé en Afrique. Puis il repartira vers l’Est par le même chemin, la Grèce, la Turquie, l’Afghanistan, la Chine, à raison de 100 kms par jour pour rejoindre Hong Kong.

Notre voyageur se souviendra sans doute de ce réveil chaleureux au bout d’une nuit glaciale à Lembach. Stéphanie, qui a pris son service il y a juste huit jours, aussi. Quant à Catherine, elle rêve d’imiter Joseph Méry en écrivant « Un Chinois à Lembach ».

Charles Schlosser – 08/04/2015

hong_kong_panorama